La re-marchandisation du cloud : vers un retour massif aux clouds privés ?

La re-marchandisation du cloud : vers un retour massif aux clouds privés ?

Une récente étude de Broadcom, réalisée en partenariat avec le cabinet d’études Illuminas, révèle une transformation profonde — voire historique — dans la stratégie des entreprises en matière d’infrastructure informatique. Intitulé Private Cloud Outlook 2025 , ce rapport basé sur un sondage mondial auprès de 1 800 décideurs IT montre que le cloud privé n’est plus une alternative marginale ou un héritage du passé, mais bien une plateforme stratégique équivalente au cloud public . Ce phénomène, qualifié de « cloud reset » (réinitialisation du cloud), marque la fin de l’hégémonie des hyperscalers et l’avènement d’un nouvel équilibre fondé sur le contrôle, la sécurité, la prévisibilité des coûts… et les exigences de l’intelligence artificielle générative (GenAI).


Le cloud privé, désormais prioritaire

Le message est clair : le cloud privé devient la première option pour déployer de nouvelles charges de travail . Près de la moitié des entreprises interrogées (53 %) indiquent que le cloud privé est leur priorité absolue pour les trois prochaines années. Un chiffre qui tranche radicalement avec la vision dominante des années 2010, où la migration massive vers AWS, Azure ou Google Cloud semblait inéluctable.

Comme le souligne Prashanth Shenoy , vice-président marketing produit chez Broadcom (VMware Cloud Foundation) :

« Le cloud privé est aujourd’hui une plateforme stratégique pour la modernisation IT. Les entreprises conçoivent intentionnellement leurs architectures pour gagner en flexibilité, en plaçant chaque charge de travail là où elle obtient le meilleur équilibre entre performance, contrôle et efficacité des coûts. »

Ce n’est pas une fuite en avant, mais une stratégie rationnelle face à des réalités opérationnelles et économiques nouvelles.


Retour aux sources : rapatriement massif des workloads

Les entreprises ne se contentent plus de migrer vers le cloud public — elles commencent à rapatrier activement leurs applications . Selon l’étude :

  • 69 % des entreprises envisagent ou ont déjà rapatrié des workloads du cloud public vers des environnements privés ;
  • Parmi elles, un tiers a déjà achevé cette transition .

Ce mouvement s’inscrit dans une tendance plus large observée depuis plusieurs années : après un enthousiasme initial pour le cloud public, les organisations font maintenant face à des coûts imprévus, une complexité de gestion croissante et des préoccupations accrues en matière de sécurité et de conformité .

« À la fin de la journée, il s’agit d’économiser de l’argent. »

Et les données confirment :

  • 94 % des entreprises reconnaissent un gaspillage dans leurs dépenses cloud publiques ;
  • Près de la moitié (49 %) estime que plus d’un quart de leur budget cloud est perdu .

Face à cette inefficacité financière, le cloud privé apparaît comme une solution mature, maîtrisable et surtout prévisible .


Sécurité, souveraineté et IA : les nouveaux moteurs du changement

Si les coûts sont le principal levier économique, trois facteurs clés accélèrent cette recommodification du cloud : la sécurité, la réglementation… et surtout la montée en puissance de l’IA générative.

🔒 Sécurité et conformité : un regain de confiance

Alors qu’à ses débuts le cloud suscitait des craintes légitimes quant au contrôle des données, ces inquiétudes reviennent aujourd’hui en force. Résultat ?

  • 92 % des dirigeants IT font davantage confiance au cloud privé pour répondre à leurs besoins de sécurité et de conformité ;
  • 66 % expriment une forte préoccupation quant aux risques liés à la sécurité et à la conformité dans les clouds publics.

En Europe notamment, la méfiance envers les lois américaines comme le CLOUD Act pousse les entreprises à vouloir garder le contrôle physique et juridictionnel de leurs données. Cette demande de souveraineté numérique trouve naturellement sa réponse dans les clouds privés, même lorsqu’ils sont hébergés chez des prestataires tiers (colocation ou managed services).

🤖 L’IA générative : un catalyseur du changement

L’essor fulgurant de la GenAI transforme profondément les choix d’infrastructure. Les modèles d’IA reposent sur des données sensibles , souvent critiques pour l’entreprise. D’où une exigence accrue en matière de confidentialité.

Les résultats sont parlants :

  • 49 % des entreprises citent la sécurité des données comme le principal obstacle à l’adoption de la GenAI ;
  • 55 % préfèrent exécuter leurs charges de travail AI (entraînement, réglage, inférence) sur un cloud privé , contre 56 % sur le cloud public — un quasi-parité qui illustre la maturité technologique des solutions privées.

Autrement dit, le cloud privé n’est plus réservé aux systèmes legacy . Il devient le terrain de jeu privilégié de l’innovation.


Le cloud privé, nouveau terrain de l’innovation

Finie l’époque où le cloud privé était perçu comme une infrastructure rigide, complexe et obsolète. Aujourd’hui, il s’impose comme une plateforme moderne, capable d’accueillir aussi bien des applications traditionnelles que des architectures cloud-native.

  • 84 % des entreprises exécutent à la fois des applications classiques et cloud-native dans leurs environnements privés ;
  • 66 % préfèrent les environnements privés ou hybrides pour déployer des conteneurs et Kubernetes .

Des acteurs comme VMware (Broadcom), HPE, Dell ou encore Nvidia proposent désormais des solutions clés en main, faciles à déployer, offrant une expérience utilisateur similaire à celle des hyperscalers — mais avec un contrôle total sur les ressources physiques.

« Le cloud privé devient le nouveau “bouton facile” ». Grâce à la baisse du coût du matériel, à l’amélioration de l’efficacité énergétique et à des outils de gestion automatisés, il est désormais aussi simple à provisionner qu’un service public , tout en étant bien moins coûteux à long terme.

Un avenir hybride, hétérogène… et plus responsable

Malgré ce retour en grâce du cloud privé, il ne s’agit pas d’une remise en cause du cloud public . Celui-ci restera indispensable pour certaines charges de travail : pics de demande, services serverless, traitement ponctuel de données massives ou accès à des modèles d’IA externes.

Mais le modèle dominant devient clairement l’hybridité .

  • 93 % des entreprises utilisent intentionnellement un mix de cloud public et privé ;
  • Les budgets cloud doivent rester stables (autour de 10 à 15 % du chiffre d’affaires), obligeant les directions IT à faire plus avec moins .

Dans ce contexte, le choix technologique ne doit plus être guidé par la mode ou le marketing, mais par la valeur métier : quelle plateforme offre le meilleur compromis entre coût, performance, sécurité et agilité ?


Défis à relever : compétences et silos organisationnels

Ce virage stratégique n’est pas sans obstacles. Deux principaux freins émergent :

  1. Les silos organisationnels : 33 % des répondants citent la fragmentation des équipes IT comme le plus grand obstacle à l’adoption du cloud privé.
  2. Le manque de compétences internes : 30 % des entreprises reconnaissent un déficit de savoir-faire technique.

Pour y remédier, les organisations transforment progressivement leurs structures :

  • 81 % adoptent désormais des équipes "platform" , pluridisciplinaires, capables de gérer l’ensemble du cycle de vie des applications, plutôt que des silos techniques (réseau, stockage, sécurité…).
  • L’accent est mis sur la montée en compétences interne pour réduire la dépendance aux services externes.

Conclusion : l’ère du pragmatisme et de la responsabilité IT

Nous assistons à une maturité du cloud computing . Après une phase d’euphorie, marquée par une adoption massive des hyperscalers, les entreprises entrent dans une ère de pragmatisme, de contrôle et d’optimisation .

Le cloud reset n’est pas une régression, mais une évolution nécessaire. Il redonne aux organisations la maîtrise de leur destin technologique , tout en leur permettant d’innover en toute sécurité — notamment dans le domaine stratégique de l’IA.

« Il ne s’agira jamais d’une seule plateforme gagnante. Il s’agit de choisir la bonne solution pour le bon besoin. »

Et aujourd’hui, pour de nombreuses entreprises, cette solution, c’est le cloud privé .


Méthodologie :
Le rapport Private Cloud Outlook 2025 a été réalisé par le cabinet d’études Illuminas pour le compte de Broadcom , auprès de 1 800 décideurs IT issus de PME, ETI et grands groupes en Amérique du Nord, Europe et Asie-Pacifique. L’enquête a été menée entre mars et avril 2025.

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